Bien que la notion de travail - ou bien celles antérieures
d’ouvrage et de labeur - existe depuis de nombreux siècles, la
recherche d’une efficience pour produire en grande quantité et
l’étude de ce sujet prend principalement ses origines en 1776,
dans les travaux de l’économiste britannique Adam Smith.
Celui-ci, figure majeure de l’histoire économique, fut un des
premiers à démontrer les avantages d’une division du
travail au sein d’une structure spécialisée. Selon lui,
en attribuant à chaque employé une tâche précise dans la
fabrication d’un produit, cette dernière sera réalisée bien plus
rapidement et efficacement. Une théorie en partie reprise, en
1911, par l’américain Frederic Winslow Taylor, à l’origine du
taylorisme. Pour cet ingénieur, la division du
travail n’est pas encore assez efficace, du fait
d’ouvriers trop qualifiés qui restent libres de leur temps et de
leur savoir-faire. Il formule alors les principes de son
organisation scientifique du travail, reposant sur une division
horizontale du travail où chaque employé ne doit réaliser que des
tâches élémentaires, la suppression des gestes inutiles et la
recherche de la manière la plus efficace pour chaque employé, «
the one best way ». Apparaît également une division entre
les exécutants et une direction chargée d’analyser la
productivité et d’organiser le travail.
Une théorie qui trouve sa voie auprès d’Henry Ford, à l’origine
du fordisme, qui ajoute aux principes de Taylor
la présence d’une chaîne de montage, apportant directement les
pièces nécessaires aux ouvriers pour que ceux-ci n’aient plus à
se déplacer de leur poste de travail. Le travail d’usine à grande
échelle et la consommation de masse font alors une entrée
fracassante sur la scène mondiale. Néanmoins, la sociologie des
années 30 poursuit les études sur les sphères de travail et
commence à relever les limites de cette organisation
scientifique, mettant en avant la dimension sociale des
entreprises et l’importance du moral et du bien-être des ouvriers
sur le rendement. Le taylorisme et le fordisme sont de plus en
plus accusés de déshumaniser les ouvriers, en les considérant
essentiellement comme des outils remplaçables.
Quelques formes hybrides apparaissent alors, telles des
déclinaisons de ces théories fondatrices, jusqu’à ce que s’impose
dans les années 1960 le toyotisme, ou lean
management. Basé également sur la recherche primaire de
la meilleure rentabilité, ce modèle né dans les usines Toyota
repose essentiellement sur la réduction drastique du gaspillage.
Les quantités commandées et produites sont calculées en fonction
de la demande, et tout est réalisé pour s’épargner le maximum de
frais inutiles, dont une automatisation progressive des machines.
Dans ce modèle cependant, les qualifications individuelles sont
valorisées et la création d’un esprit d’entreprise se place au
cœur de la pensée. Les sentiments d’appartenance à un groupe, de
fierté, et d’investissement pour l’entreprise sont stimulés pour
créer l’émulation et booster la productivité. Mais là encore, des
critiques apparaissent, portant notamment sur l’exigence de
cadences de plus en plus intenables et une pression constante
pour l’adhésion et le sacrifice au profit de l’entreprise.
Aujourd’hui, l’époque est à l’expérimentation. La flexibilité et la polyvalence sont désormais des compétences très recherchées, face à une automatisation permettant en théorie de réaliser les tâches les plus simples. La ligne autrefois nette entre exécutants et managers tend à devenir plus poreuse, permettant des modèles plus participatifs, moins descendants. Enfin, les valeurs de l’entreprise et le bien-être au travail sont aujourd’hui des facteurs clés pour rejoindre ou non une entreprise, les nouveaux travailleurs plaçant le sentiment d’accomplissement parmi leurs préoccupations principales dans la recherche d’emploi.
Depuis sa survenue, la crise sanitaire du COVID-19 a profondément
questionné les organisations, mettant en exergue les limites de
certains modèles et invitant de nombreuses entreprises à mettre
en doute la pertinence de leurs modes de travail. S’il est encore
un peu tôt pour savoir si cela aura des impacts à long terme sur
notre manière de travailler et de concevoir l’entreprise, il est
certain que la pandémie a enclenché une nouvelle réflexion.