Et si la fierté se manageait ?

MANAGEMENT RH / QVT || Management RH
/
17/06/2024

Le billet d'humeur du mois de juin de Stéphanie Carpentier - Experte en Management des Ressources Humaines et Prévention en Santé au travail.


Dans une société et des organisations où la performance individuelle est toujours plus valorisée et le bonheur au travail tant mis en avant, cette question de la fierté peut paraître incongrue : c’est évident ! C’est en étant fier des objectifs atteints et des résultats obtenus que l’on peut être heureux au travail.

Et pourtant ! Combien de personnes changent radicalement d’orientation professionnelle pour justement (re)trouver leur fierté au travail ou plus simplement leur fierté du travail accompli, quand bien même cela suppose une baisse de leur niveau de vie et repartir de zéro ? C’est d’ailleurs ce que dénonce avec succès l’expression des « Bullshit Jobs » de David Graeber.

De la même façon, toutes les personnes qui étaient fières d’accomplir le métier de leurs rêves (c’était une vocation) ne parviennent pas toujours à garder intacte cette fierté du fait que leur qualité de vie au travail est à leurs yeux fortement dégradée par tant de stupidité au travail selon l’expression de Mats Alvesson et André Spicer. Selon ces chercheurs, le culte du leadership, l’opacité de certaines pratiques managériales ou encore l’injonction à une fidélité sans faille même en cas d’absurdités répétées et constatées produisent en effet à long terme des dommages considérables : une démotivation lente et intense due à l’exécution de certaines tâches stupides et absurdes par rapport aux attentes et aux valeurs profondes des salariés. Pensons par exemple à la promotion d’arguments mensongers à destination des clients ou des collaborateurs ou la soumission à une bureaucratie trop pesante. D’où le fameux « brown-out ». 

Dès lors, le recours à la fierté du travail et au travail devient une nécessité car il s’agit d’une émotion d’accomplissement qui trouve sa source dans une dimension individuelle et/ou collective. Ressentie au niveau individuel ou groupal, elle permet de rehausser l’identité de celui ou de ceux qui l’éprouve(nt) : lorsqu’un travail a été bien réalisé, quand une nouvelle tâche ou un défi intellectuel ont finalement été réussis, cela génère un sentiment d’accomplissement, de valorisation et de compétence qui se traduisent par de la joie, de la satisfaction et de la fierté. Or ce sont des éléments clés du bien-être au travail. 

Néanmoins, cette émotion ne doit pas se limiter à la fierté du travail accompli et à ses résultats : elle doit aller jusqu’à la fierté de l’entreprise, des équipes et plus encore des personnes en elles-mêmes « pour ce qu’elles sont ou parce qu’elles participent bien, tout simplement au bien commun ». (Gomez, 2013, p. 219). C’est en effet ce retour au savoir être fier au niveau professionnel qui sera selon Pierre-Yves Gomez l’une des pistes pour soigner notre société malade du travail invisible à l’origine de notre malheur car générateur de ce manque de sens dont tant de travailleurs, managers et mêmes dirigeants se plaignent de plus en plus. La fierté doit par conséquent être elle aussi managée.

 

Pour aller plus loin : 

  • Gomez P.Y. (2013), Le Travail invisible. Enquête sur une disparition, éd. François Bourin.