Selon vous, pourquoi l’utilisation des drones
inquiète-t-elle encore le grand public ?
Il existe tout d’abord une grande confusion entre le monde du
loisir, le secteur professionnel et le domaine militaire
lorsqu’il est question de drones. Cela crée l’illusion qu’un
drone peut tout faire, et cela très facilement. Pour le profane,
ça a donc quelque chose de fascinant, mais cela éveille aussi des
fantasmes et des craintes. La réalité est bien sûr plus
complexe.
Il faut désacraliser l’univers du drone : il ne sait pas tout
faire. Fondamentalement, ce n’est qu’un outil au service de
l’homme, au même titre qu’un ordinateur. Ce sont ses applications
qui vont déterminer son usage, ses capacités, sa réglementation.
Tout le monde n’est pas d’ailleurs pas habilité à se servir d’un
drone, les règles d’utilisation sont très strictes et il y a un
long apprentissage à faire.
Au sein de notre entreprise Delta Drone, nous sommes limités à
1km de distance et 150m d’altitude pour l’utilisation de nos
appareils. Nos drones sont toujours inclus dans une solution
professionnelle complète et ne sont qu’un élément de l’offre. Une
solution dédiée à l’inventaire est extrêmement différente d’une
solution dédiée à la sécurité, par exemple.
Comment évoluent les pratiques et la réglementation
aujourd’hui ?
Le débat actuel sur les aspects réglementaires porte
principalement sur le marché de la sécurité. Il faut tout d’abord
distinguer deux branches : la sécurité privée, et la sécurité
publique.
Pour la sécurité privée, l’utilisation de la vidéosurveillance
mobile n’est qu’une troisième couche qui vient s’ajouter aux
agents de sécurité et aux moyens de surveillance fixe. Celle-ci
obéit aux règles aéronautiques et prendre diverses formes en
fonction des besoins du site privé. Mais en aucun cas le drone ne
peut sortir de la zone de surveillance.
Concernant la sécurité publique, c’est là où le projet de loi
actuel pose question, puisque nous nous trouvons dans l’espace
public. Nous, dronistes, sommes au service des autorités
publiques, mais nous n’avons aucune qualification pour être
détenteurs des images. Il y a un flux, mais pas de consultation
des images chez nous. Nous ne sommes qu’un « passeur
d’informations ». En tant que développeurs de solutions, nous
avons les moyens technologiques de flouter les individus
automatiquement grâce à l’IA, ou encore de limiter le temps
d’archivage, mais cela dépend des autorités publiques. Le débat
reste entier, c’est évident, mais cela reste entre l’État et les
citoyens. Les constructeurs ne sont pas partie prenante, mais
nous nous efforçons de créer des outils fiables et conformes aux
exigences.
Quelles sont les perspectives pour les secteurs du drone
?
L’aide de la technologie est nécessaire pour gérer des situations
risquées ; elle permet de limiter le risque humain. Le drone a
cet avantage d’être un œil déporté, pour accéder aux endroits qui
présentent des risques pour les personnes.
Il paraît évident que l’univers du drone va connaître une
croissance exponentielle. Mais il y aura une « sélection
naturelle » entre les entreprises qui respecteront les règles de
l’art et de la conception. Commercialiser des drones demande de
créer des systèmes complets, adaptés à l’utilisation finale. Cela
exige beaucoup d’argent, à investir dans la R&D et la montée
en compétences. Ce mur financier va très probablement décourager
de nombreuses start-up qui souhaitent intégrer le marché
aujourd’hui.
Pour notre part, il nous a fallu presque 10 ans pour explorer,
expérimenter et s’imposer. Mais nous sommes face à un secteur
tout neuf, où tout est à construire.
