Quels sont les enjeux liés à l'intégration de la prévention lors de la conception ?
Les enjeux relatifs à l'intégration de la prévention dès la conception sont importants pour l'entreprise. En effet, ne pas prendre en compte la prévention dès la conception peut générer :
- Des surcoûts ultérieurs : plus l'intégration de la prévention dans le projet est tardive, plus son coût est élevé,
- Des accidents et des maladies professionnelles,
- Une détérioration de l'image de marque (crédibilité),
- Une dégradation du climat social,
- Une situation irréversible. L'organisation des flux, les implantations, un carrelage glissant, un escalier mal conçu, l'éclairage naturel insuffisant en sont des exemples courants…
Sur le plan économique un environnement de travail mal adapté
peut entraîner de l’absentéisme, un turn-over excessif, une perte
de performance, l’allongement des délais de production.
L’ergonomie permet ainsi des gains de productivité, parce que :
- Les postes de travail conçus de façon ergonomique exercent une influence positive sur la motivation et le rendement des collaborateurs.
- Sur des postes de travail conçus de façon ergonomique, il y a moins d’accidents du travail et de maladies professionnelles et, par conséquent, moins de journées d’absence.
Quelle démarche pour intégrer la prévention des risques professionnels dès la conception des lieux de travail ?
La démarche de conception d'un lieu de travail vise à prendre en compte la prévention des risques professionnels lors de la conception de ce lieu (création, aménagement ou réaménagement) et des situations de travail associées, quel que soit le secteur d'activité. Elle se fonde sur des connaissances techniques et sur la définition des besoins des utilisateurs établie à partir d'une analyse de leur activité réelle. Cette démarche sera notamment celle du maître d'ouvrage qui est le premier intéressé par la performance globale (économique et sociale) de l'outil de production/travail.
Au regard des limites des actions correctives, d'une efficacité limitée et souvent coûteuses, la démarche de conception des lieux et des situations de travail proposée par l'Institution Prévention (CNAMTS, INRS, CRAM et CGSS) se définit comme un mode d'action visant à amener les maîtres d'ouvrage et maîtres d'œuvre à intégrer la qualité d'usage lors de tout projet concernant les lieux de travail (création, aménagement ou réaménagement). Elle se veut être une action a priori pour prévenir les risques professionnels et améliorer les conditions de travail : une action à mettre en œuvre, en conséquence, le plus en amont possible du projet.
L'apport essentiel de l'ergonomie en conception réside dans sa capacité à mettre précocement en lumière les enjeux humains et sociaux posés par tout projet industriel (l'analyse de la demande) et à proposer une méthode de lecture de la façon dont le travail est réellement effectué (l'analyse du travail). Ceci permet d'éclairer les choix de conception, voire d'innover.
- L'analyse de la demande initiale est une étape déterminante à toute réalisation. Elle vise à adopter un point de vue différent de celui essentiellement technique afin de prendre en compte les conditions de travail, d'hygiène et de sécurité. Elle permet alors de reconstruire le projet d'action avec le décideur en termes de moyens et d'objectifs explicites pour l'ensemble des acteurs concernés. En cours de projet, il doit être admis que les connaissances nouvelles produites par les analyses de l'activité viennent réinterroger les hypothèses de départ.
- L'analyse du travail se fonde sur des méthodes et un ensemble de connaissances scientifiques sur le fonctionnement humain, l'organisation du travail, la prévention, la sécurité, la réglementation … Autant de disciplines qui concourent à la prise en compte de la santé (physique et mentale) dans la conception des situations de travail. L'analyse du travail souligne en particulier les critères de variabilité à prendre en compte. Elle permet de distinguer avec minutie la différence entre la définition théorique d'une tâche et la façon dont elle sera réellement réalisée. L'analyse du travail doit être réalisée dans la situation initiale ou dans une situation similaire prise en référence. Les connaissances acquises sur la situation globale de travail et sur les activités de travail doivent être intégrées dans le cahier des charges ou le document programme.
Quels paramètres doivent être prise en compte ?
Un projet de conception réussi se fonde non seulement sur une connaissance préalable approfondie des besoins exprimés sur leur poste de travail par les utilisateurs, mais aussi sur le respect des exigences dans les domaines techniques et réglementaires.
On observe 7 paramètres à prendre en compte dans une démarche d'aménagement des espaces de travail :
- accès et circulation,
- communications,
- contraintes de temps,
- nuisances physiques et chimiques,
- informations,
- manutention et efforts,
- dimensionnement et postures.
Ces principes sont applicables dans tous les secteurs d'activité.
Quelques exemples
Posture de travail
La posture est principalement déterminée par : les
caractéristiques et les exigences de la tâche à effectuer, les
contraintes internes (physiologiques, biomécaniques pour
conserver l'équilibre) et les caractéristiques de
l'environnement.
Aucune posture de travail n'est "neutre". Une "mauvaise" posture
(torsions du corps, inclinaisons, déséquilibre) n'est pas adoptée
"librement" par l'opérateur, mais est le résultat d'un compromis
entre les éléments précités. La posture est donc une des
composantes de la charge de travail qui influe sur la pénibilité
de la situation.
Toute déviation par rapport à la position "idéale" va
entraîner une augmentation de la dépense énergétique et, à plus
ou moins long terme, des raideurs et douleurs du dos, du cou, des
bras selon la posture adoptée. La posture peut avoir des
conséquences pathologiques, en cas d'efforts importants effectués
dans une posture défavorable.
Dimensionnements des postes de travail
Prendre en compte ces données permettra d'optimiser les éléments
et d'éviter les dysfonctionnements connus. De nombreux exemples
peuvent être cités, où des dimensions d'aires de travail,
d'outils, de machine et les forces à exercer, choisies
empiriquement, provoquent un effort physique inutile ou exagéré,
des difficultés dans la manipulation d'objets. Concevoir un
projet d'aménagement de bureaux par exemple, c'est donc l'adapter
à une population d'utilisateurs futurs et ne pas chercher à faire
un produit pour « l'homme moyen » qui n'existe pas. L'acheteur
tiendra compte des différentes populations. En d'autres termes si
on travaillait avec des chiffres de la moyenne nationale, seul 1
% de la population serait confortablement installé dans un siège.
Il faut donc rechercher des produits qui se règlent pour
s'adapter aux grands comme aux petits, aux minces comme aux
forts, aux femmes et aux hommes et aux différentes classes d'âge.
Le siège de travail
Le siège de travail doit être appréhendé comme un "outil de
travail" à part entière : le travail assis doit être recherché
chaque fois que cela est possible, des changements de posture
sont essentiels pour la santé et le choix du type de siège est
fonction de la posture de travail la plus fréquente (travail
assis, travail debout)
Le travail sur écran
Le travail sur écran est aujourd'hui incontournable. Or,
travailler intensivement devant un écran peut engendrer des
troubles de la santé : fatigue visuelle, troubles
musculo-squelettiques, stress... La prévention de ces troubles
passe par un changement dans l'implantation et l'aménagement du
poste, le choix d'un matériel adéquat, des modifications dans
l'organisation du travail...
Le bruit
L'audition est sollicitée de façon permanente par tous les sons
émis dans notre proche environnement. Le terme bruit est utilisé
pour désigner les phénomènes d'acoustiques gênants, indésirables
ou qui ont un effet nocif. Il peut avoir 5 grandes familles
d'effets indésirables : l'affaiblissement de l'ouïe, la réaction
non souhaitée du système nerveux central et autonome, l'entrave à
la communication verbale ou autre, la diminution des performances
et des fonctions cognitives, la gêne.
Le bruit est une nuisance qui concerne tout le monde, dans
l'environnement domestique comme dans l'environnement de travail.
Il est à l'origine de nombreuses surdités mais aussi d'autres
pathologies (stress, fatigue...). De multiples moyens d'action
doivent être mis en place sur le lieu de travail pour limiter
l'exposition des salariés.
L'éclairage
Une vision normale ne peut s'exercer qu'avec un minimum de
lumière. Un bon niveau d'éclairement permet une bonne
productivité avec notamment une baisse des erreurs, des
accidents, une moindre fatigue visuelle. En plus du niveau moyen
d'éclairement nécessaire, il faut absolument veiller à une bonne
qualité de la lumière émise par les sources avec : une uniformité
de l'éclairement, un équilibre des luminances pour éviter les
éblouissements notamment
La prise en compte de l'éclairage doit de préférence être faite
dès la décision de transformer d'anciens locaux ou d'en aménager
de nouveaux. En effet, le nombre, la nature et l'emplacement des
luminaires dépendent de l'implantation des machines, du mobilier
et de l'architecture.
L'ambiance thermique et la qualité de l'air
La qualité de l'air, son renouvellement, sa température, son
hygrométrie… sont à des degrés divers essentiels pour la santé
et, dans tous les cas, des paramètres de confort prépondérants
pour l'activité humaine. Ces derniers constituent des exigences
de base à intégrer dans le processus de conception.
La signalisation / signalétique / couleurs
Dans un projet de conception, des exigences sont à respecter en
matière de signalisation de santé et de sécurité et de
signalétique fonctionnelle. Les couleurs et les formes ont une
signification en matière de sécurité ; les couleurs contribuant
aussi parallèlement au confort et au bien-être au travail.