Mobiliser de nouveaux moyens

DOSSIER
SECURITE DES LIEUX DE TRAVAIL || Sécurité des lieux / 13/02/2014

En effet, un État ne peut pas (ne doit pas) ignorer que les conséquences d’une crise occasionnée par une ou des menaces s’étant réalisé ou des risques de toute nature seront appréhendées par des instances judiciaires, selon des lois en vigueur et en considération de jurisprudences, y compris supranationales. L’anticipation, dans ce domaine bien particulier de la création de la Loi, de l’organisation de la Justice et de la lecture des jurisprudences, entre dans le champ de la sécurité nationale.
Force est de reconnaître que la norme qu’elle soit technique, légale, éthique ou pratique a un rôle déterminant. Le législateur doit ainsi se montrer « proactif » et ne pas être désarmé face à des phénomènes nouveaux qui exaspèrent le citoyen au quotidien. Ce n’est pas l’« empilement des lois » qu’il faut opposer à cette stratégie qui consiste à prévenir et combattre, par la loi ou la jurisprudence, des menaces ou des risques de nature à provoquer l’inquiétude et l’insécurité. Ainsi l’exemple du traitement judiciaire du terrorisme selon les termes de la loi de 1986 a permis d’imaginer la loi Perben 2 pour la lutte contre la criminalité en bande organisée avec la création des JIRS, et s’est poursuivi avec la création des pôles de santé.

GendarmerieDévelopper un esprit de sécurité et de défense dans nos institutions

Il faut aller plus loin et changer la culture judiciaire en intégrant les politiques publiques de sécurité dans le travail quotidien des magistrats pénalistes, approfondir une culture du renseignement et une méthodologie de son utilisation au sein des établissements pénitentiaires et professionnaliser le traitement judiciaire des délinquants dangereux – de l’enquête à l’exécution de la peine – en optimisant l’utilisation des outils existants et, si besoin est, en proposer de nouveau.
Il ne faut pas hésiter à nourrir notre inspiration d’exemples fournis par des pays étrangers peu enclin à l’immobilisme. Et devancer ainsi les effets négatifs des jurisprudences des cours de justice qui s’imposent à nous. La même obligation pèse sur l’exécutif lorsqu’il doit élaborer une norme ; surtout lorsque l’objectif est la prévention d’un risque ou la réduction d’une vulnérabilité.

Une autre évolution majeure des politiques publiques concerne la prise en compte de manière objective d’un facteur tel que l’incertitude. Face aux crises et aux risques, les institutions publiques doivent se prémunir de deux écueils, l’un consistant à croire en une maîtrise pleine et entière de ces phénomènes, l’autre laissant la population croire ou pressentir qu’existent des failles importantes dans les dispositifs de prévention et de gestion de crise. Loin de ces deux extrêmes, le citoyen doit pouvoir acquérir d’une part une « culture de l’incertitude » lui donnant une conscience claire des risques et des vulnérabilités, et d’autre part une meilleure connaissance des moyens d’action.

Palais de justiceIl est vraisemblable que dans le domaine de la sécurité nationale, le prochain bond qualitatif ne s’obtiendra qu’au prix de l’élévation du niveau de participation de la communauté (entendue au sens large) aux efforts entrepris par la puissance publique. Pour cette dernière, même si des progrès restent à faire, la marge de progression en terme d’efficacité n’est pas extensible à l’infini. Chercher à l’étendre encore pourrait bien contribuer à déstabiliser davantage l’action des services compétents qui évoluent déjà depuis une dizaine d’années dans un état de réforme permanente.
Il faut donc envisager de s’engager sur les moyens de parvenir à créer un contexte de nature à favoriser l’affirmation d’une volonté commune bâtie autour de la préservation des principes fondateurs d’une démocratie vivant dans un environnement perpétuellement agressif. Il importe que l’esprit de Défense, qui se traduisait par une organisation sociétale ad hoc, renaisse dans un esprit de Sécurité.

Cet esprit « de Sécurité et de Défense » est ainsi développé, depuis le début des années 1980, au sein de l’Éducation nationale, à travers un partenariat entre l’école et le ministère de la défense, sur la base d’un protocole dont le préambule affirme que « la notion de sécurité est indissociable de l’existence d’une communauté nationale façonnée par l’Histoire, animée d’un véritable esprit de Défense ». Le partenariat Éducation-Défense a été également complété par une association, chaque jour plus étroite, entre Éducation, Police, Gendarmerie et Justice, dans le cadre notamment de la lutte contre la violence scolaire. L’« esprit de Sécurité et de Défense » ainsi mis en valeur se trouve désormais pleinement intégré à la cohérence de l’enseignement de l’éducation civique que se doit de recevoir chaque élève et futur citoyen.

En conclusion

Il ne faut pas craindre le partenariat public-privé, y compris dans le champ de la lutte contre la délinquance, dès lors que les compétences régaliennes (comme par exemple la gestion des frontières) restent exclusivement du domaine de l’État. Grâce à ces partenariats multiples, des gains substantiels en efficacité ont pu être enregistrés là où des pertes en lisibilité stratégique ont été constatées.
La perspective tracée par l’association de la personne prise en tant qu’individu, le citoyen, à la définition de sa sécurité et aux choix qui en découlent (en termes de moyens) est une évolution nécessaire. D’autant plus que le niveau d’acceptabilité des contraintes liées à la définition des politiques publiques de sécurité lorsqu’elles sont imposées sans pédagogies et avec distance par un État drapé dans son pouvoir ne cesse de décroître.
Pour parodier Renan qui avait défini la Nation comme « une adhésion de tous les instants », la sécurité doit désormais se concevoir comme « une participation de tous les instants ».  

 

Dossier extrait de la revue Préventique n°121 janvier/février 2012

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