Paul FRIMAT - CHRU LILLE : 50% des pathologies cutanées professionnelles dans le BTP pourraient être évitées

50% des pathologies cutanées professionnelles dans le BTP pourraient être évitées

ORGANISATION DE LA PREVENTION || Maladies professionnelles
/
07/05/2013
Paul FRIMAT - CHRU LILLE
Paul FRIMAT
Professeur des universités Lille 2, Praticien hospitalier,
CHRU LILLE
Paul Frimat, professeur en dermatologie au Centre Hospitalier Régional Universitaire de Lille, a fait de la lutte contre les dermatoses professionnelles son cheval de bataille. Il nous alerte sur une maladie professionnelle, souvent négligée, et pourtant facile à prévenir.

Vous avez choisi le risque cutané comme thème des 32e Journées Santé au Travail du BTP qui se dérouleront à Lille du 28 au 30 mai, pourquoi ?
Le risque cutané n’est pas un risque professionnel que l’on a découvert récemment dans le BTP. Bien au contraire, il y a 60 ans, on parlait même de « péril cutané ». A l’époque, les dermatoses étaient la première maladie professionnelle des travailleurs du BTP.
Aujourd’hui les dermatoses n’occupent plus ce rang puisque les TMS (Troubles Musculo-Squelettiques) les ont largement remplacées sur le podium.
Les pathologies cutanées professionnelles ne représentent aujourd’hui plus que 1% des maladies professionnelles déclarées dans le BTP. Deux facteurs principaux en sont la cause : d’une part, l’amélioration de la connaissance et de la prévention et d’autre part, la forte augmentation des autres pathologies professionnelles.

Pensez-vous que le risque cutané est négligé ?
Certainement. Le risque cutané est important en termes de fréquence mais peu élevé en termes de réparation, d’où son absence de visibilité.
Un salarié du BTP sur dix a eu, a ou aura une pathologie cutanée professionnelle au cours de sa carrière. Nous venons de conduire une étude auprès des Services de Santé au Travail pour évaluer la fréquence et la gravité des pathologies cutanées. Cette étude a révélé que 12% des 1500 travailleurs du BTP étudiés présentaient une pathologie cutanée avec une augmentation des cas dans les métiers de la maçonnerie, de la plomberie et du génie climatique. Les résultats complets de cette étude seront exposés lors du colloque.

Comment se manifestent ces pathologies cutanées ?
20% des pathologies cutanées sont allergiques, 80% sont « seulement » irritatives. On se heurte souvent à une idée largement répandue selon laquelle une irritation n’est pas grave, voire normale pour un travailleur manuel. Mais tous les dermatologues le savent : « l’irritation fait le lit de l’allergie ».
Une peau irritée cesse de remplir son rôle de barrière de protection cutanée et va laisser, dès lors, passer des allergènes. Une fois l’allergie déclarée, il n’y aura plus moyen de revenir en arrière. Le capital peau est définitivement abîmé sans possibilité de le reconstruire.
Pourtant avec la mise en œuvre de moyens de prévention appropriés, 50% des pathologies cutanées pourraient être évitées.

Justement, comment éviter le risque cutané ?
L’éducation et la prévention restent les moyens privilégiés. Par exemple, tout simplement, pour protéger les mains (qui représentent 80% des cas de pathologies cutanées) : inciter au port systématique de gants, entretenir quotidiennement ses mains avec de la crème. Mais le message reste difficile à faire passer auprès de la population des travailleurs du BTP, principalement masculine. Des actions de prévention collective peuvent également être engagées comme la substitution des produits dangereux.
Lors de nos Journées Santé au Travail, nous apporterons un éclairage sur d’autres problématiques liées au risque cutané : le rôle du soleil, les cancers de la peau, ou la toxicité des goudrons.
Pour optimiser la prévention, il faut associer ces trois leviers : le suivi individuel, l’aide thérapeutique et les actions de protection collective.