En finir avec le nouveau management public

SECTORIELS || Fonction publique
/
08/07/2024

Proportionnellement à la population active, il n’y jamais eu aussi peu de fonctionnaires en France1

Ce fait qui tranche avec les discours erronés ou malveillants relatifs aux services publics produit évidemment des effets quant à la capacité collective à la cohésion et au vivre ensemble.


Cet écart de perception entre une France qui serait « sur-administrée » pour les politiciens ou les catégories socio-professionnelles favorisées abreuvées d’idéologie et de contre-vérités sur la fonction publique d’un côté et de l’autre le sentiment d’abandon des agents publics qui œuvrent et résistent au quotidien à une organisation de plus en plus « hors sol » qui ignore le travail réel et ses conditions concrètes d’exercice qu’elle enferme dans des cellules Excel. 

Tant que le postulat de la vision politique sur le fonctionnement de l’Administration sera essentiellement axé sur la peur de la défiance, de la déloyauté, quand ce n’est pas une exigence d’obéissance aveugle et déshumanisée ou sur l’inclination prétendument naturelle des agents publics à l’abus, l’oisiveté ou la fraude (arrêts maladie) et que l’idéal d’une réforme, par exemple, sera centrée sur le licenciement facilité d’un agent public, la santé psychologique des fonctionnaires sera précaire, fragile et en danger.

Les politiques successives y compris récentes vernis d’incantations et d’habillage rhétorique flatteurs et engageants mais ne consistent pour l’heure bien souvent qu’à une juxtaposition de mesures et dispositifs ou instruments.

En cela, elles suivent sensiblement le même penchant que le champ de la prévention des risques professionnels dont l’ambition se résume souvent au Document Unique d’Evaluation voire des plans d’actions dont le réalisme et l’effectivité malmènent l’éthique de nombreux préventeurs.

A l’instar du changement, l’innovation, la « culture projet » et l’horizontalité ne se décrètent pas et formaliser par exemple un organigramme circulaire ne traduit pas nécessairement une culture mâture fondée sur ces principes.

Seul un travail pérenne, animé, incarné, régulé et réflexif impliquant tous les acteurs - que peu d’employeurs publics font vraiment – permettra de changer de paradigme et en finir avec le new public management 

Nous savons comment il faut faire, nous connaissons les principes de prévention, pourtant nous n’avons de cesse que d’intensifier le travail et d’adapter l’homme au travail.

Nous savons que le facteur le plus puissant d’engagement est la qualité du travail bien fait sinon dans les règles de l’art en tout cas celui qui nous permet de mettre un peu de ce que nous sommes pourtant nos organisations structurent et développent un paradigme de l’empêchement.

Le découplage objectifs-moyens est à son paroxysme le seul dialogue véritable qui perdure est celui de la gestion…

Remettre l’humain au centre est un des nouveaux slogans préférés du management public mais il est condamné à rester un mantra si la confiance, l’écoute, le pouvoir redistribué, la subsidiarité généralisée et le soutien organisationnel et managérial ne pénètrent pas davantage la culture des organisations.

Pour ce faire, il revient aux managers publics de privilégier la régulation à la compensation, les choix, le courage et le discernement doivent être protégés, cultivés et valorisés.

L’urgence est là depuis quelques années2 maintenant et les indicateurs dont nous sommes si friands et imprégnés rougissent au point de devenir noirs quelle que soit la méthode, quel que soit l’outil, quels que soient l’indicateur et le baromètre.

 

En savoir plus :

  •  1Selon le Conseil d’orientation des retraites en septembre 2022, la part des fonctionnaires dans l’emploi total était de 14,6% alors qu’elle était de 16,3% en 2006.
  • 2Le rapport dit Lecoq (2019) « Santé, sécurité, qualité de vie au travail dans la fonction publique : un devoir, une urgence, une chance »