Pourquoi est-il aujourd'hui nécessaire de changer notre
approche dans la reconnaissance des maladies professionnelles
?
C’est une décision des pouvoirs publics, qui part d’un constat
relativement partagé : il existe aujourd’hui un décalage entre
les connaissances scientifiques existantes et l'évolution des
tableaux de maladies professionnelles. Les connaissances
progressent, mais depuis 2010, il n’y a eu que 5 révisions de
tableaux et 3 créations de nouveaux tableaux. Or, il y en a eu
plus d’une cinquantaine lors de la décennie précédente.
Cette situation de blocage tient notamment au fait que
l’évolution des tableaux était essentiellement issue d’un
compromis entre les partenaires sociaux où étaient mélangées les
questions scientifiques, politico-sociales et économiques. Ce
n’est un secret pour personne que les intérêts des organisations
syndicales et patronales sont divergents sur l’évolution de ces
tableaux, qui permettent une reconnaissance automatique du fait
de la présomption d’origine. D’où une prise de retard sur les
connaissances actuelles.
C’est pour cela que l’État a souhaité séparer ces deux phases ;
la phase scientifique « pure », d’une phase nécessaire de
discussion pour trouver un compromis social. Le rôle de l'Anses
est de proposer une expertise scientifique, indépendante et
collective, permettant aux commissions où siègent notamment les
partenaires sociaux, de se prononcer sur la pertinence de la
création ou l’évolution d’un tableau. Il appartient ensuite à
l’État de décider de le créer ou de le faire évoluer le tableau
sur la base de ces éléments.
Quels sont les objectifs à moyen et long terme
?
Le premier objectif de l’Anses était de réaliser une méthodologie
sur laquelle se baser, pour répondre aux saisines des pouvoirs
publics. Le but de cette méthodologie est de définir un cadre de
recueil et d’analyse des données scientifiques. Il est dorénavant
public, ce qui permet aux différents acteurs et parties prenantes
concernées de s’en saisir et pourquoi pas de le critiquer, de
l’interroger.
Ensuite, nous avons été saisis pour l’évolution possible de
plusieurs tableaux.
Tout d’abord pour travailler sur la question du lien entre
l'exposition aux pesticides et le cancer de la prostate, avec une
attention particulière apportée à la question du chlordécone. Ces
travaux-là ont été achevés et restitués. Ils seront publiés à
partir du mois de septembre.
D'autres travaux sont en cours, notamment sur les liens entre
amiante et cancer des ovaires, du larynx ou cancer colorectal,
attendus pour la fin de l’année, ou encore une demande récente
pour réaliser une expertise sur le lien entre le formaldéhyde et
les lymphomes. Nous réalisons donc un travail évolutif, à plus ou
moins long terme, pour faire l'état des lieux des connaissances
existantes.
Que reste-t-il à entreprendre pour tendre vers une
meilleure reconnaissance des maladies professionnelles, et
surtout pour une meilleure prévention des risques ?
Tout d’abord, il faut poursuivre les études sur le lien entre les
expositions professionnelles et les effets sur la santé. Il est
également primordial d’améliorer la connaissance des expositions
et d’en assurer leur traçabilité. Au-delà de l’amélioration de la
reconnaissance, ces données sont surtout utiles pour améliorer la
prévention et éviter que le risque ne se réalise, c’est-à-dire
que les travailleurs tombent malades du fait de leur activité
professionnelle.
