En avril 2025, Bpifrance a lancé 'Projection'[1], une expérience immersive primée visant à rendre visibles les handicaps invisibles en entreprise. Cette initiative souligne une prise de conscience croissante : il est temps de reconnaître et d'adapter nos environnements de travail pour inclure toutes les formes de handicap, même celles qui ne se voient pas.
 

Selon Mullins et Preyde, le handicap invisible se définit comme « une atteinte au fonctionnement de la vie quotidienne d’un individu sans que des manifestations physiques transparaissent, bien que des comportements rappelant le handicap puissent se manifester »[2]. Ce type d’handicap regroupe un large éventail de pathologie : les handicaps sensoriels, psychiques, cognitifs ou encore les maladies chroniques ou invalidantes. Il peut donc s’agir d’une déficience visuelle, auditive, un trouble DYS (dyslexie par exemple) ou encore un trouble mental.
 

Des handicaps qui bouleversent les quotidiens

En France, seuls 20 % des handicaps sont visibles[3]. Cela exclut un panel d’handicaps considérés comme invisibles de par la complexité de les identifier dans nos sociétés. Par conséquent les troubles cognitifs, psychiques, sensoriels ou les maladies chroniques échappent souvent au regard des collègues, des managers dans le cadre de l’entreprise. Parfois, la personne concernée n’a pas connaissance de ses troubles, faute de diagnostic[4]. Ces handicaps invisibles compliquent l’accès à l’emploi, l’intégration en entreprise et peuvent favoriser l’isolement, le stress, voire la précarité.
 

La peur d’être stigmatisé conduit 60 % des personnes concernées à taire leur situation, malgré l’existence de dispositifs de soutien comme la RQTH (Reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé)[5]. Cette dissimulation n’est pas un choix de confort : elle est souvent la conséquence directe de préjugés ou du manque d’informations au sein même des équipes dirigeantes. Ainsi, près de deux tiers des managers affirment ne pas savoir comment accompagner une personne en situation de handicap invisible[6].
 

Des environnements inadaptés qui creusent les écarts

Le handicap invisible n’entrave pas uniquement la productivité ou la santé des individus mais fragilise aussi la qualité de vie au travail pour tous. La surcharge cognitive, les troubles sensoriels ou encore les douleurs chroniques peuvent rendre certaines tâches plus difficiles à accomplir sans accompagnement ou adaptation.
 

Or, rares sont les entreprises qui prennent réellement en compte ces particularités. Nous pouvons constater un manque de communication auprès des entreprises et des employés concernant les dispositifs mis en place pour accompagner au mieux ces personnes. En effet, beaucoup ignorent l’existence de soutiens financiers (comme ceux proposés par l’Agefiph) pour aménager les postes de travail[7].
 

L’environnement de travail est un facteur à ne pas négliger pour accompagner les personnes atteintes de ces troubles. Les entreprises ont ainsi leur rôle à jouer. Même si des actions à grande échelle peuvent être prises, il existe également des mesures qui sont facilement mises en place à l’échelle des entreprises : 
 

  • Mise à disposition de casque antibruit

  • Proposition de solutions numériques aux troubles spécifiques (correcteurs orthographiques, timers visuels, etc.)

  • Réduction de la luminosité dans les bureaux 

  • Flexibilisation du temps de travail
     

Ces mesures pourtant simples permettent d’améliorer le quotidien professionnel de nombreuses personnes car elles sont bénéfiques autant pour les personnes ayant un handicap que les autres personnes travaillant dans l’entreprise. Il s’agit d’un premier pas pour faire accepter ces personnes et sensibiliser sur les différents handicaps existants et l’importance de l’inclusion. 
 

L’environnement, un allié invisible mais puissant

L’environnement de travail ne se résume pas aux murs ou aux écrans. Il est aussi fait d’écoute, et d’ouverture. Favoriser des pratiques managériales inclusives, offrir des espaces de dialogue et repenser l’organisation du travail c’est contribuer à un bien-être durable pour tous.
 

De même, au-delà des adaptations matérielles et organisationnelles, le cadre environnemental dans lequel évolue une personne peut considérablement influencer son bien-être psychologique et cognitif. Pour les personnes concernées par un handicap invisible, les espaces naturels jouent un rôle précieux, souvent sous-estimé.[8]
 

En effet, des études montrent que l’exposition à des environnements naturels améliore la gestion des émotions, la tolérance à la frustration et les capacités attentionnelles. Dans les écoles, les cours en extérieur ont montré des effets positifs sur les enfants avec TDAH[9] (Trouble du Déficit de l’Attention avec ou sans hyperactivité). On peut donc supposer que l’organisation de formations ou réunions dans une cour en extérieur serait bénéfique dans le monde du travail.
 

En dehors du cadre de réunions et formation, mettre en place un jardin au sein de l’entreprise ou des zones silencieuses végétalisées permettrait aux personnes en situation de trouble sensoriel de pouvoir s’apaiser et réduire les épisodes de surcharge sensorielle ou cognitive. Cela a déjà été appliqué au sein de certaines entreprises et s’avère plutôt efficace. Par exemple, la recherche a démontré qu’une simple marche de 20 minutes dans un parc permettait de réduire de 20% le taux de cortisol, l’hormone du stress[10]. Cela favorise par conséquent la concentration, la récupération mentale et la régulation émotionnelle, des enjeux majeurs pour les personnes souffrant de troubles anxieux, de TDAH, de troubles du spectre autistique...
 

Pour que l’inclusion ne reste pas un mot creux, les entreprises doivent apprendre à voir au-delà des apparences. En rendant visibles les besoins invisibles, et en repensant l’environnement de travail avec bienveillance, c’est toute la dynamique collective qui s’en trouve enrichie.
 

 

En savoir plus : 

 

[1]BPIFRANCE-PROJECTION

[2] KARJALAINEN Héléna & DIVANACH Charlotte, « Pourquoi le handicap invisible reste-t-il « non visible » dans l’entreprise ? », Management & Avenir, 2024 ; URL : Pourquoi le handicap invisible reste-t-il « non visible » dans l’entreprise ? | Cairn.info

[3] Ibid.

[4] Ibid.

[5] LETELLIER Sandrine, « Neurodiversité au travail : un petit truc en plus? », Handicap.fr, 21/02/2025 ; URL : Neurodiversité au travail : un petit truc en plus?

[6] KARJALAINEN Héléna & DIVANACH Charlotte, « Pourquoi le handicap invisible reste-t-il « non visible » dans l’entreprise ? », Management & Avenir, 2024 ; URL : Pourquoi le handicap invisible reste-t-il « non visible » dans l’entreprise ? | Cairn.info

[7] LETELLIER Sandrine, « Neurodiversité au travail : (ré)inventer le management? », Handicap.fr, 28/02/2025 ; URL : Neurodiversité au travail : (ré)inventer le management?

[8] BRATMAN Gregory N., HAMILTON J. Paul, HAHN Kevin S., DAILY Gretchen C., GROSS James J., « Nature experience reduces rumination and subgenual prefrontal cortex activation », PNAS, 29/06/2015 ; URL : Nature experience reduces rumination and subgenual prefrontal cortex activation | PNAS

[9] KUO Frances E. & TAYLOR Andrea Faber, « A Potential Natural Treatment for Attention-Deficit/Hyperactivity Disorder: Evidence From a National Study »,  American Journal of Public Health, 30/07/2003 ; URL : A Potential Natural Treatment for Attention-Deficit/Hyperactivity Disorder: Evidence From a National Study | AJPH | Vol. 94 Issue 9

[10] BRATMAN Gregory N., HAMILTON J. Paul, HAHN Kevin S., DAILY Gretchen C., GROSS James J., « Nature experience reduces rumination and subgenual prefrontal cortex activation », PNAS, 29/06/2015 ; URL : Nature experience reduces rumination and subgenual prefrontal cortex activation | PNAS