Employés de bureau, ouvriers, routiers… Toutes ces personnes, bien qu’ayant des métiers différents sont concernées par un problème majeur : le bruit. On parle de bruit lorsqu'un son ou un ensemble de sons est perçu comme gênant. Réduire le bruit à une simple gêne est cependant une vision trop restrictive. Le bruit est un facteur de l’apparition de maladies dont certaines graves comme les cardiopathies ischémiques. Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), le bruit représente ainsi le second facteur environnemental provoquant le plus de dommages sanitaires en Europe, derrière la pollution atmosphérique[1]. Alors que le bruit est déjà prédominant dans nos vies (65 % des Français personnellement gênés[2]), il est essentiel que le lieu de travail s’inscrive dans un cadre garantissant un certain calme pour les travailleurs.
Des travailleurs fortement exposés au bruit
En 2022 en France, la surdité professionnelle est la cinquième cause de pathologie reconnue au titre des maladies professionnelles pour les salariés des entreprises hors secteur agricole[3]. Cela atteste bien de la prédominance du bruit sur le lieu de travail. D’après la Direction Générale du Travail, il s’agit de près de 31,6 % des travailleurs qui sont exposés au bruit en 2018[4].
Alors qu’on imagine que les nuisances sonores s’appliquent uniquement aux ouvriers du fait de leur proximité en permanence aux machines, ce n’est pas la seule catégorie de métiers qui sont touchées aujourd’hui. En effet, avec la multiplication des open space dans les divers bureaux, le bruit s’est progressivement installé dans le quotidien de l’ensemble des salariés. Bien que les open spaces aient pour avantage d’accroitre la cohésion au sein d’une équipe, ils sont également plus propices aux nuisances sonores. 59% des employés en open space considèrent le bruit comme élevé voire très élevé et représente une gêne pour 53% d’entre eux[5]. Il faut savoir que le coût social du bruit au travail estimé s’élève à 21 milliards d’euros chaque année[6] :
53 % avec les pertes de productivité
43 % avec la gêne induite et les maladies professionnelles
4 % avec les accidents de travail
Le bruit, un facteur de la dégradation de notre état de santé
L’exposition à des nuisances sonores au travail augmente le risque d’accident de +24%[7] avec près de 154 000 accidents du travail directement causé par ces nuisances[8]. Outre les accidents de travail, le bruit est un facteur important dans la dégradation de l’état de santé des salariés.
La surdité
Par une exposition constante à des nuisances sonores, les salariés sont irrémédiablement exposés à un plus fort risque de surdité irréversible. En effet, une exposition prolongée à des niveaux de bruit intenses détruit les cellules ciliées de l’oreille interne. Ces cellules étant dans l’incapacité de se régénérer, leur destruction est définitive et cause ainsi la surdité[9]. Ce phénomène peut être accentué par l’exposition à certains solvants dits ototoxiques[10]. Les femmes enceintes sont particulièrement vulnérables, car les fœtus sont très sensibles au bruit, ce qui peut engendrer des troubles auditifs après la naissance[11]. Sans parler de surdité irréversible, une exposition chronique au bruit peut être source d’acouphènes ou hyperacousie[12].
Le sommeil
Alors que les problèmes de surdité sont souvent connus des salariés, il est en revanche souvent ignoré qu’une exposition au bruit peut entrainer un dérèglement du sommeil. Par exemple, une exposition diurne de 12h à 85dB provoque une réduction de la durée des cycles du sommeil. La fonction réparatrice du sommeil en est donc altérée et peut causer une fatigue chronique[13]. La fatigue chronique peut avoir de graves répercussions sur la vie quotidienne des salariés. En effet, un sommeil de mauvaise qualité augmente le risque de somnolence, de baisse d’attention et des performances cognitives. En plus d’une baisse de la productivité au travail, cela peut entrainer des accidents de travail, ou même des accidents de la route du fait de la fatigue accumulée[14]. Ce phénomène est d’autant plus fréquent pour les personnes travaillant de nuit et dont le repos ne peut se faire qu’en pleine journée, la lumière jouant aussi un rôle dans la perturbation du sommeil[15].
Et bien d’autres problèmes de santé…
Le bruit serait un facteur propice à l’apparition de troubles cardiovasculaires. En effet, l’hypertension semble selon plusieurs études montrer une fréquence plus importante chez les travailleurs exposés à du bruit. Plus le travailleur est exposé de manière durable à ces nuisances sonores et plus il a de risques de développer de l’hypertension[16]. De même le stress qui peut découler d’un environnement de travail bruyant entraine une libération excessive d’hormones comme le cortisol ou l’adrénaline. La hausse de ces hormones dans l’organisme augmente ainsi les risques d’être victime d’un infarctus du myocarde[17] mais aussi celui d’être atteint d’obésité ou de diabète de type II. Ainsi le bruit peut être la source d’un stress chronique incontrôlable pour les salariés et qui est pénalisant dans les tâches du quotidien. Ce stress a des conséquences notables sur la vie quotidienne et peut fortement impacter la santé mentale des travailleurs. Par exemple, en France, 59 % des patients anxiodépressifs évoquent le bruit comme premier facteur de nuisance[18].
Quel rôle à jouer pour les entreprises ?
Il faut savoir que l’ouïe est en danger dès une exposition sonore quotidienne dépassant les 80dB[19], qui correspond au seuil d’apparition de la fatigue auditive. La réglementation prévoit la mise à disposition de protections individuelles comme des casques ou des bouchons d’oreille en cas d’impossibilité d’amélioration des conditions sonores. Ces protections sont obligatoires pour les salariés à partir de 85dB[20]. L’écart entre les obligations des entreprises et les recommandations sanitaires (entre 40 et 55dB)[21] est conséquent et pose la question de la sécurité du salarié au sein de son entreprise. Mais que peuvent concrètement faire les entreprises pour réduire les risques ? Tout d’abord, il est nécessaire de faire une évaluation du niveau sonore auquel sont exposés les salariés et d’identifier les sources du bruit. Suite à cette évaluation, les entreprises se doivent de mettre en place des mesures de protection collective sinon individuelles pour protéger les salariés mais aussi les former et les sensibiliser sur ces risques :
Réduction au maximum du bruit des machines
Réduction de l’impact des nuisances sonores externes par l’installation de double vitrage
Mise à disposition de casque antibruit
Mise à disposition de call room pour éviter des appels prolongés dans les open space
Installation de salles de repos pour les salariés souhaitant un moment de calme
Comment se protéger soi-même des nuisances sonores ?
Même si les entreprises ont un rôle à jouer dans la protection des salariés face aux nuisances sonores subies dans le cadre du travail, ils sont les premiers concernés. Chacun se doit de mettre tout en œuvre pour se protéger du bruit et préserver leur bonne santé. Voici quelques actions que chacun peut mettre en place pour se protéger :
S’accorder sur des règles de bonne conduite en open space : pas de discussion bruyante, pas d’appel prolongé dans l’espace, etc.
Faire des pauses dans un endroit calme pour pouvoir reposer son audition
Utiliser des casques anti bruits pour pouvoir se concentrer sur ses tâches
Faire une demande de télétravail si les nuisances sonores sont moins importantes chez soi
En cas de nuisance sonore significative, il ne faut pas hésiter à le signaler à l’entreprise afin que des mesures soient prises pour y remédier.
La prise de conscience collective sur le bruit au travail doit encore progresser, et les entreprises, comme les salariés, ont un rôle essentiel à jouer pour faire évoluer les pratiques.
[1] Olivier Blond, Fanny Mietlicki, Anne-Sophie Evrard ; « Les effets du bruit sur la santé » ; Revue ADSP, 2023 ; URL : Les effets du bruit sur la santé
[2] Ibid.
[3] Cohorte Constances ; Étude des effets des expositions au bruit professionnel sur la santé auditive et extra-auditive, 2024 ; URL : Étude des effets des expositions au bruit professionnel sur la santé auditive et extra-auditive - Constances
[4] Webinaire du Dr. Pierre Souvet pour Préventica ; « Bruit, des effets sanitaires sous estimés », 25/02/2024 ; URL : BRUIT : des effets sanitaires sous-estimés
[5] Ibid.
[6] Ibid.
[7] Ibid.
[8] Ibid.
[9] INRS ; Dossier BRUIT, 2022 ; URL : Bruit. Effets sur la santé - Risques - INRS
[10] Ibid.
[11] Ibid.
[12] Webinaire du Dr. Pierre Souvet pour Préventica ; « Bruit, des effets sanitaires sous estimés », 25/02/2024 ; URL : BRUIT : des effets sanitaires sous-estimés
[13] INRS ; Dossier BRUIT, 2022 ; URL : Bruit. Effets sur la santé - Risques - INRS
[14] Olivier Blond, Fanny Mietlicki, Anne-Sophie Evrard ; « Les effets du bruit sur la santé » ; Revue ADSP, 2023 ; URL : Les effets du bruit sur la santé
[15] Préventica ; Dossier « L’exposition prolongée au bruit en milieu de travail, un risque professionnel avéré », 2021 ; URL : L’exposition prolongée au bruit en milieu de travail, un risque professionnel avéré
[16] INRS ; Dossier BRUIT, 2022 ; URL : Bruit. Effets sur la santé - Risques - INRS
[17] Ameli ; « Quels sont les effets du bruit sur la santé ? », 2025 ; URL : Quels sont les effets du bruit sur la santé ? | ameli.fr | Assuré
[18] Webinaire du Dr. Pierre Souvet pour Préventica ; « Bruit, des effets sanitaires sous estimés », 25/02/2024 ; URL : BRUIT : des effets sanitaires sous-estimés
[19] INRS ; Dossier BRUIT, 2022 ; URL : Bruit. Effets sur la santé - Risques - INRS
[20]Webinaire du Dr. Pierre Souvet pour Préventica ; « Bruit, des effets sanitaires sous estimés », 25/02/2024 ; URL : BRUIT : des effets sanitaires sous-estimés
[21] Ibid.