Laurent VIGNALOU - MINISTERE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE : La Fonction publique est en plein bouleversement et cette année sera marquée par de nombreuses échéances

La Fonction publique est en plein bouleversement et cette année sera marquée par de nombreuses échéances

|| Fonction pubique
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01/02/2011
Laurent VIGNALOU - MINISTERE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE
Laurent VIGNALOU
Médecin coordonnateur national auprès des ministères économique et financier
MINISTERE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE


En quoi consiste votre fonction ?

Mon rôle est de coordonner la médecine de prévention au sein des ministères économique et financier (145 médecins présents sur le territoire) avec un autre collègue et 17 médecins coordonnateurs régionaux. Le service de médecine de prévention de ce ministère est bien développé grâce à la volonté de cette administration et le soutien constant des organisations syndicales représentatives.
Je n’ai plus directement un rôle de terrain même si je suis conseil dans un certain nombre de situations, que ce soit en administration centrale où en services déconcentrés. Le rôle de coordonnateur est d'assurer, avec les services compétents, la bonne diffusion de la politique ministérielle de prévention décidée en CHS Ministériel.
Par ailleurs, en tant que membre du conseil supérieur de la Fonction publique depuis 1993 - après un rapport qui m'avait été demandé 10 ans après le décret de 82 (texte fondateur en matière de prévention dans la FPE); certaines propositions ont été retenues pour le décret de 95 qui a « approché » le Code du travail - j’ai accompagné depuis leur origine les travaux qui ont abouti aux accords du 20 novembre 2009.
 
Votre métier vous permet d’avoir une vision globale de prévention des risques dans la Fonction publique d’État. Que pensez-vous de la situation aujourd’hui ? Y a-t-il des risques émergents ?
La situation dans la FPE a considérablement progressé en matière de prévention des risques, mais de façon très inégale dans les administrations de l’État, même si depuis 82, le retard tend à s'amenuiser dans les 3 Fonctions publiques. Encore une fois, il est remarquable de constater les volontés conjointes des administrations et des fédérations syndicales dans ces domaines avec cependant des résultats parfois inégaux.
Les risques émergents dans la Fonction publique d’État sont pratiquement les mêmes que dans les autres secteurs d’activité (publics ou privés). Ainsi, une attention particulière est portée aux CMR et évidemment à l’amiante avec ses procédures complexes de suivi médical et de suivi post-professionnel, comme en témoigne la parution récente des décrets en la matière, puis bien sûr aux RPS ou encore aux TMS. Concernant les RPS, la prise de conscience dans la Fonction publique d’Etat n’est pas récente. Des actions ont été menées bien avant la mise en forme du cadre réglementaire, même si l’on constate des inégalités de traitement entre les ministères. La Fonction publique d’Etat et notamment, le Ministère des Finances, est sensibilisée à cette problématique : une prise de conscience est maintenant développée, des groupes de travail pluridisciplinaires ont été mis en place (mutualisation des compétences des ergonomes, inspecteurs hygiène et sécurité, médecins, psychologues…)  Dans cette administration, les cadres reçoivent une formation à la prévention des RPS, assurée par les médecins de Prévention et les assistants de services sociaux. Et puis, la responsabilité pénale du chef de service est une notion maintenant bien reconnue et réaffirmée par les accords de novembre 2009.
 
Revenons sur ces accords du 20 novembre 2009 qui sont le point de départ d’une évolution sans précédent de la prévention des risques dans la Fonction publique. Qu'en est-il concrètement dans la Fonction publique d’Etat ?
En effet, les accords du 20 novembre marquent une étape très importante : responsabilisation des cadres dirigeants, professionnalisation des acteurs, des organisations, des activités, renforcement du dialogue social par des outils précis… surtout signature de ces accords par les représentants des 3 Fonctions publiques.  On peut dire que nous sommes en plein bouleversement et cette année sera marquée par de nombreuses échéances. Car les accords de 2009 font maintenant l’objet de groupes de travail, par thèmes, pour élaborer les textes qui seront présentés au conseil supérieur. Cette étape est importante car ils vont consolider les termes des accords et donner lieu à des propositions d’action. Là encore la concertation avec les représentants des 3 Fonctions publiques et les fédérations de fonctionnaires permet d'avancer, parfois difficilement, mais, pour en être témoin-participant, avec toujours une volonté positive.
L’un des points remarquables est, à mon sens, la création des CHS-CT dans la Fonction publique. Ils vont changer la manière d’aborder la question de l’organisation du travail. Jusqu’à présent, les aspects organisationnels relevaient du CTP (l’équivalent des CE dans le privé), les CHS s’occupant notamment des questions de santé. Les accords vont élargir les compétences des CHS en y intégrant les conditions de travail et rendant les représentants du personnel majoritaires. Dans la Fonction publique d’État, on compte pour le moment un CHS par département mais une nouvelle étape devrait être franchie en octobre 2011 : date d’une nouvelle désignation des partenaires et de l’élection des représentants du personnel dans les CHS-CT.
Autre point important : les trois Fonctions publiques vont se réunir dans un Observatoire commun. L’objectif visé est d’accroitre la cohérence d’action et une meilleure remontée des informations dans un souci d’harmonisation des pratiques entre les différentes Fonctions publiques.
 
Vous participiez en novembre dernier aux « Premières Rencontres Santé & Sécurité au Travail dans les Fonctions publiques ». Quel en était l’objet ?
Ces rencontres de novembre 2010 ont été l’occasion de réunir l’ensemble des protagonistes des accords de 2009 pour débattre des enjeux de la rénovation de la politique des ressources humaines et des relations sociales dans les Fonctions publiques Territoriale et d’État. La réunion s’est ouverte par le rappel des modifications réglementaires du décret de 1982 (point de départ des accords qui nous intéressent aujourd’hui et qui seront réadaptés dans les nouvelles circulaires) et la loi de juillet 2010, relative à la rénovation du dialogue social. Elle a permis de revenir sur l’avancée des travaux des différents groupes et les problématiques traitées. La Fonction publique est une importante organisation totalisant 6,2 millions d’agents. Des rencontres d’étapes sont nécessaires pour harmoniser toutes les administrations, réduire les inégalités de traitement et réfléchir aux conséquences du bouleversement législatif et réglementaire qui va s’opérer.
 
Quels sont les points de crispation qu’il va falloir éventuellement dépasser ?
Les accords de novembre 2009 ouvrent un espace de travail gigantesque et tout ne peut pas se faire du jour au lendemain. Des points de crispation existent ; nous les connaissons. Je pense notamment à l’insuffisance dramatique du nombre de médecins du travail. Cela va rendre problématique, à très court terme, la surveillance médicale des agents des 3 Fonctions publiques. Qui va assurer cette surveillance, en l'absence de professionnel de santé ? Les risques psychosociaux, pour ne prendre que ce domaine difficile à aborder, à prévenir et à prendre en charge, nécessitent notamment un abord clinique délicat et fondamental que seuls les professionnels de santé sont à même de traiter. Qui les prendra en charge, en l'absence de clinicien ?
Mais il s’agit là d’une problématique commune avec le secteur privé. Le développement des services de santé au travail n’est pas non plus à l’ordre du jour car il faudra aussi régler le problème de la pluridisciplinarité. Enfin, la mise en place du suivi post-professionnel sera formalisée par un accord, mais seulement en fin d’année et l’audit externe dans les administrations, prévu par les accords sur la thématique des RPS ne fait pas vraiment consensus.
Mais, il est encore tôt pour dresser le bilan de novembre 2009. Pour cela, il faudra attendre 2012. En attendant, les choses avancent et nous tenons le délai des travaux. 
 
Pensez-vous que Préventica a un rôle à jouer dans ces évolutions, majeures pour la Fonction publique ?
Certainement. Le propre de Préventica est de réunir l’ensemble des acteurs du privé et du public autour de la problématique des conditions de travail. Or la mise en commun des compétences de chacun et la transversalité entre les secteurs privé et public sont essentielles pour progresser.
 
 
 
* Instance consultative qui assiste les comités techniques paritaires ministériels (CTPM) pour les questions et les projets relatifs aux problèmes d'hygiène et de sécurité