Responsabilité pénale de l’ensemble des acteurs de la prévention dans la Fonction Publique : regards croisés sur la question
Magistrat / Universitaire (IPST-Institut de la Promotion Supérieur du Travail)
FONCTION PUBLIQUE
L’une des trois missions confiées par la loi du 17 juillet 2001 (art 31) au Fonds national de prévention de la CNRACL, élaborer des recommandations d’action en matière de prévention à l’intention des collectivités, est appelée à se développer dans les prochaines années.
Deux approches complémentaires : comment caractériseriez-vous la logique du juge et celle du juriste ? Guy BARATHIEU : Le rôle de l’universitaire est de travailler sur la doctrine, étudier les lois et analyser la manière dont les juges les appliquent. Sa fonction pédagogique lui permet (en théorie), via l’enseignement qu’il dispense, d’influer sur l’application de la loi et la jurisprudence. L’universitaire intervient davantage en amont de la démarche alors que le juge sanctionne un manquement à la règle. Fonctions publiques territoriale et hospitalière : deux mondes. Quels sont les points communs et les différences statutaires ? Guy BARATHIEU : Les règles du travail sont les mêmes qu’il s’agisse du secteur public ou des entreprises privées (Partie IV du Code du travail). Nous retrouvons des fonctions analogues. Ce sont les règles d’organisation qui diffèrent. Traditionnellement, la fonction publique hospitalière se rapproche du secteur privé ; son fonctionnement est proche d’une gestion d’entreprise. L’organisation de la santé au travail est régie par le code du travail en ce qui concerne la fonction publique hospitalière et par le Statut de la Fonction public pour les collectivités territoriales. On parle de CHSCT pour la première et de CHS pour la seconde ; pourtant les missions sont les mêmes. Peut-on s’appuyer sur la jurisprudence pour apprécier la responsabilité pénale de l’auteur d’une infraction ? Guy BARATHIEU : Oui nécessairement. La jurisprudence est significative de l’application du droit. Elle est éclairante quant à la façon dont on doit se comporter. Le travail de l’universitaire est ici intéressant. De par le résumé et l’analyse d’une situation donnée, il permet de donner un fil conducteur au préventeur. Comment envisager une organisation santé sécurité ou un système, qui assure une répartition des responsabilités de manière juste ? Guy BARATHIEU : En matière pénale et au contraire du civil, la responsabilité ne se partage pas (mais un accident peut avoir plusieurs causes et donc plusieurs fautifs). L’important est de respecter le sens des textes sans s’enfermer dans un formalisme étroit. Un exemple : le décret d’hygiène sécurité de 1985 prévoit la mise en place d’un ACMO dans chaque collectivité, qu’elle emploie 500 ou 12 000 agents. On constate aisément que la situation n’est pas la même et doit être adaptée. Il serait peut-être pertinent de modifier également le titre d’ACMO, qui donne l’impression d’être responsable alors qu’il s’agit d’un conseiller et d’un animateur sécurité. L’arrêté définissant la fonction d’ACMO ne prend pas suffisamment en compte la spécificité des situations (de plus, c’est une fonction et non pas un emploi statutaire). Dans les fonctions publiques, la réglementation devrait être plus précise et demander la mise en place de solutions sur-mesure. Pensez-vous qu’il faut réserver la fonction d’ACMO (et l’équivalent chez les hospitaliers) à des spécialistes hautement qualifiés ? Guy BARATHIEU : Pas forcément. Mais il est sûr que la compétence et le statut des ACMO doivent être renforcés. Des ACMO de terrain, dotés de compétences techniques et relationnelles pointues, existent déjà dans les grosses collectivités mais ce sont rarement des professionnels à temps plein. Comment favoriser la prise de conscience par les décideurs de leur responsabilité ? La diffusion de recommandations constitue-t-elle un moyen ? Guy BARATHIEU : Il est primordial de donner des moyens professionnels aux différents intervenants. Par exemple, un maire qui fait appel à un inspecteur et prévient tous les services de son passage et de ses préconisations à valeur obligatoire donne à celui-ci un vrai pouvoir de contrôle, suivi d’effets. Il est donc nécessaire de renforcer la sensibilisation des élus sur les questions d’hygiène sécurité et de leur faire prendre conscience de l’impact sur la performance ou le taux d’absentéisme… A ce titre, des recommandations, relayées par un arrêté ministériel, existent déjà dans le privé (CRAM). Il serait bon de faire évoluer les choses pour que cela soit mis en place dans la fonction publique. L’une des missions du FNP porte sur l’élaboration de recommandations. Quelle valeur ou portée juridique pourrait avoir les recommandations émises par la CNRACL ? Guy BARATHIEU : Un tel texte n’est pas une obligation mais pourrait donner lieu à responsabilité dans le cadre de la jurisprudence. Rien n’empêche, par ailleurs, la CNRACL d’émettre des recommandations mais sa compétence n’est pas de réglementer. En outre, depuis la loi de décentralisation, les collectivités sont autonomes (même si elles dépendent du ministère de l’intérieur). M. CREVEL, pour la préparation de votre étude, vous avez rencontré des collectivités et établissements hospitaliers, pourriez vous résumer en quelques mots votre impression ? Samuel CREVEL : Pour les besoins de l'étude, j'ai effectivement rencontré des directeurs de centres de gestion et des responsables d'établissements publics de santé. L'époque me semble plus que jamais à la mise en place de dispositifs efficaces de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles. Le FNP est devenu assurément, de par les moyens qu'il déploie pour accompagner les collectivités et établissements publics dans cette démarche, un acteur majeur en la matière.
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