Anne-Marie DE VAIVRE - Association AINF : Seniors et santé au travail : comment adapter le travail au vieillissement des salariés ?

Seniors et santé au travail : comment adapter le travail au vieillissement des salariés ?

|| Santé au travail
/
01/05/2011
Anne-Marie DE VAIVRE - Association AINF
Anne-Marie DE VAIVRE
Co fondatrice et animatrice du Cercle Entreprise et santé de l'AINF, Directrice du Groupe Titane
Association AINF


Vieillissement, pénibilité, retraite…, et aussi compétences, adaptation des postes, pérennisation et transmission des savoirs, anticipation des pénuries de talents : la question du maintien des séniors dans l’emploi est au cœur des débats et fera l’objet de plusieurs interventions sur Prévent’Ouest. Association AINF, ‘quasi-fondation’ experte dans l’appui, la prévention des risques professionnels et la promotion de la santé au travail, a placé les problématiques de vieillissement et d’évolution des aptitudes et capacités au premier plan de ses interventions sur Prévent’Ouest. Anne-Marie de Vaivre, Co fondatrice et animatrice du Cercle Entreprise et santé de l'AINF, directrice du Cabinet Conseil Titane, nous en explique les enjeux.

Vous animerez dans quelques jours une conférence intitulée : « Seniors et santé au travail : comment adapter le travail au vieillissement des salariés ? » Sujet sensible dans un contexte de réforme des retraites et d’avancées législatives sur la pénibilité, vous y apportez votre propre éclairage. Pourquoi est-ce important d’en parler maintenant ?
38%... C’est le taux d’emploi des seniors en France et il compte parmi les plus bas d’Europe. C’est vous dire toute l’urgence de la situation ! On a longtemps considéré que les seniors coutaient cher à l’entreprise, étaient moins adaptables et moins adaptés aux réalités d’un marché de plus en plus concurrentiel, moins motivés, moins flexibles… Dans un contexte économique difficile, l’utilisation massive des systèmes de préretraites a semblé par le passé la réponse la plus adaptée pour réguler l’emploi (notamment dans les secteurs anciennement en crise : industries minières, du textile, la sidérurgie). Aujourd’hui, avec une collectivité nationale qui ne peut plus assumer par le biais de la retraite le financement de tels plans sociaux déguisés, avec une perspective de pénurie de main-d'œuvre et de talents, l’éviction des seniors n’est plus ni admissible, ni possible au plan macroéconomique, comme au vu des besoins du terrain.
Alors que la notion de pénibilité vient de faire son entrée dans la sphère législative, avec un cortège de pénalités et aussi de contentieux judiciaires, le pays est bien obligé de se poser la question du maintien dans l’emploi des seniors et du management intergénérationnel des compétences. Plusieurs problématiques ou défis éclairent et enrichissent le débat : les notions de restriction d’aptitudes et de handicap, de pénibilité, le besoin de capitalisation des savoirs et de transfert de compétences entre plus âgés et plus jeunes. De fait, c’est à la fois l’organisation des entreprises, les structures de travail et la conception même des ressources humaines qui sont interpellées, au-delà, mais aussi via les questions de santé et de sécurité au travail. Pour aborder et résoudre ces enjeux de génération, d’âge et de démographie, c’est bien l’ensemble des acteurs de l’entreprise qu’il faut mobiliser - experts RH et Santé au travail, dirigeants et préventeurs, salariés et institutions représentatives du personnel - pour inventer de nouvelles formes d’entreprise et de travail, laissant la place à tous, à toutes les aptitudes. 

L’AINF est-elle en mesure d’apporter des éléments de réponse ?
Je crois que personne aujourd’hui n’a LA réponse ! Néanmoins, il est utile de se poser les bonnes questions, d’avoir un œil critique sur les « plans seniors » déjà mis en place et surtout de regarder ce qui se fait ailleurs. Nous allons également baser notre propos sur la notion d’aptitude et plus précisément de l’évolution de cette dernière : le retour d’une expérience menée dans un grand groupe français tendra à prouver qu’il est possible de faire évoluer les emplois vers des profils seniors et surtout d’accompagner cette catégorie de travailleurs jusqu’à la fin de son parcours professionnel. L’occasion aussi de porter l’attention sur la notion « d’usure » et s’interroger sur la manière de sortir de ce dilemme par l’intégration de critères de compétences plus souples.
Le propos de la conférence n’est pas alarmiste, mais plutôt stratégique : un temps pour réfléchir et montrer qu’il est possible de sortir de la spirale voulant absolument que le vieillissement mène à l’inaptitude.
 
Quel est votre positionnement sur le sujet ?

Je suis persuadée qu’il est urgent de dépasser un certain nombre de peurs non objectives quant aux plus âgés et pas vraiment convaincue que la catégorie « senior » du Code du travail, rassemblant les salariés de 45 à 70 ans, soit la plus pertinente. À titre personnel, j’aime à regarder du côté du marketing qui procède à une segmentation différente et plus précise des catégories d’individus, que l’on n’enferme plus dans des catégories sociodémographiques du type ‘ménagère de plus (ou de moins) de 50 ans’, mais que l’on apprécie dans des profils plus ouverts, de type socioculturels. Dans le même sens, l’individualisation des parcours professionnels me semble appropriée pour maintenir les plus âgés dans l’emploi. Mais nous ne sommes qu’au début de la réflexion et la France est en retard !

À qui s’adresse votre exposé ?
Tous les acteurs de l’entreprise peuvent être concernés à différents niveaux : les dirigeants, force de décision, les experts (médecins du travail, préventeurs, DRH…), apporteurs de solutions, mais aussi les étudiants, - la génération Y -, les managers de demain. Les salariés, partenaires sociaux, CHSCT ont aussi un rôle à jouer dans le débat et doivent participer aux réflexions telles que celle que nous proposons : leur expérience du terrain est primordiale.
La question du maintien dans l’emploi des seniors est transversale à tous les secteurs d’activité et toutes les entreprises, quelque soit leur taille : paradoxalement, ce sont peut-être les PME qui s’en sortent le mieux, peut-être en raison d’une moyenne d’âge plus élevée des dirigeants – ils connaissent le problème ! - et pour la proximité de décision.

Pourquoi le choix d’un tel sujet sur Prévent’Ouest ?
S’il y a bien un endroit pour traiter de sujets un peu brulants et impulser des réflexions de fond, qui font vraiment avancer les choses avec tous les profils concernés, c’est bien à Préventica/Prévent’Ouest. Le Congrès nous a toujours permis de développer des sujets basés sur une actualité forte. Par ailleurs, tous les opérationnels du quotidien sont présents sur l’événement : cette synergie de compétences, universitaires, expertes, mais surtout de terrain permet d’aller toujours plus loin dans le débat d’idées.